La volonté de s’opposer à la LRU et à ses effets marque l’actualité de la vie à Paris 8 depuis juillet 2007 : motions unanimes des conseils, pétitions multiples locales comme nationales, assemblées générales centrales et dans les UFR, mobilisation étudiante, manifestations, Université critique, etc.
Elle intervient dans un contexte plus général de réorientation de la vie quotidienne et institutionnelle de notre université engagé depuis deux ans maintenant, de l’élection des nouveaux conseils à celle de Pascal Binczak à la présidence, contribuant à un nouveau climat et à de nouvelles façons de faire.
Ce n’est donc pas par hasard que cette mobilisation se soit produite dans un climat qui est resté pour l’essentiel serein, et qui a jusqu’à ce jour permis d’affirmer l’existence d’une véritable communauté universitaire, à la différence de ce que nous avons pu observer dans d’autres universités.
Nous estimons cependant que ce que nous avons pu collectivement construire ou reconstruire est fragilisé par le contexte général (LMD, LRU, AERES, financements non pérennes de la recherche, etc.) dans lequel l’Université doit affirmer ses choix. Les effets d'une mise en concurrence accrue au sein de l'enseignement supérieur, sous la pression de critères qui pour une part échappent à l'Université elle-même, ainsi qu'une gestion relevant de plus en plus de logiques managériales et non du service public, menacent l'autonomie scientifique et pédagogique. D’où la nécessité de construire et de défendre ensemble un projet pour Paris 8 qui nous soit propre.
Cela rend d’autant plus indispensable de nous appuyer collectivement sur ce qui constitue à nos yeux un patrimoine commun, intégrant nos différences mais favorisant nos convergences autour de principes que nous voulons continuer à faire nôtres. Ce patrimoine commun s’appuie sur les incontestables progrès accomplis dans la vie institutionnelle de notre Université ; nous voulons les approfondir : transparence, collégialité, meilleure prise en compte des conseils, plus large association des personnels à la vie de l’université. Cette démarche s’appuie aussi sur une capacité d’initiative et de réflexion, qu’incarnent notamment les Etats Généraux avec leurs prolongements, la tenue d’une journée de réflexion « pour une université critique pour tous », l’appel de Paris VIII (dit des sociologues), la démarche à caractère national de SLU, le renforcement des liens avec SLR, etc.
C’est en s’appuyant sur ce patrimoine commun que l’Université travaille en interne et se prépare à d’âpres négociations avec le ministère sur le quadriennal recherche, le quadriennal formation, le projet de l’Université, le Pres, etc
Dans un tel contexte, nous pensons nécessaire de consolider cette démarche autour de l’idée qu’il nous faut «
Défendre l’Université pour la Transformer».
Nous proposons que celle-ci soit encore approfondie autour de quelques principes que nous appelons à mettre en œuvre ensemble :
- ancrer la résistance aux effets de la LRU (si celle-ci devait s’appliquer) dans des positions principielles de garantie d’espaces démocratiques et de collégialité, notamment dans les prises de décision comme les procédures de recrutement ou l’élection présidentielle ;
- ancrer la vocation de l’Université dans l’apprentissage des disciplines et l’appropriation des outils conceptuels et intellectuels nécessaires à la pensée critique du monde contemporain ; les finalités de l’enseignement supérieur résident bien dans ce qui se transmet des savoirs, des héritages et des cultures vivantes.
- ancrer le projet de Paris 8 dans une volonté de démocratisation de l’université, qui refuse toute sélection des bacheliers à l’entrée de celle-ci mais s’engage à prendre en charge les problèmes spécifiques liés à l’accès croissant aux études universitaires de publics qui n’y sont guère préparés. Pour ce faire, notre capacité de réflexion et d’initiative collective ne suffira pas si elle ne s’accompagne pas des moyens publics en personnel et en crédits indispensables pour améliorer la réussite des étudiants. Cette volonté de démocratisation suppose non seulement la mise en cohérence entre le M1 et le M2, mais aussi le rejet de toute sélection à l’entrée du M1 dans les formations s’inscrivant dans la continuité du L3. Cette mise en cohérence n’empêche pas la possibilité de délivrer la maîtrise à Bac+4.
- ancrer, depuis le L1 jusqu’au M2, le projet de formation de Paris 8 dans le lien enseignement recherche. Ce projet ne saurait être pensé comme exclusif de la prise en compte de l’avenir professionnel de nos étudiants. Pour autant, celui-ci ne saurait se réduire à des critères contestables d’insertion à court terme, porteurs de menaces pour l’indépendance des contenus scientifiques de formation. La professionnalisation ne peut se concevoir ni comme une façon d’organiser de manière autoritaire la sortie du système éducatif ni comme un assujettissement à des demandes à court terme du marché du travail mais comme moyen et nécessité d'anticiper sur des besoins et des pratiques renouvelés de connaissance et de qualification. A ce titre, une formation intellectuelle ainsi entendue est seule à même d’ouvrir des perspectives d’inscriptions sociales et professionnelles lisibles pour l’ensemble de la communauté universitaire et pour la société.
- ancrer le projet scientifique de Paris 8 à la fois dans le respect de la multiplicité des voies de la recherche mais aussi dans le développement d’interactions enrichissantes tant au sein de Paris 8 qu’avec les laboratoires d’autres établissements, avec nos partenaires extérieurs et notre environnement social et culturel. Ce projet refusera de s’inscrire dans une logique d’instrumentalisation de la recherche ; il explorera, dans une démarche critique, des champs nouveaux qui soient en rapport avec les évolutions actuelles de la société. Sa réalisation nécessite des financements publics renforcés et pérennes.
Tous ces principes, nous souhaitons pouvoir non seulement les défendre, en lien avec la mobilisation contre la LRU, mais aussi les approfondir et les mettre en oeuvre avec tous ceux qui les partagent. Il nous semble que l’Université, si elle veut pouvoir résister aux multiples pressions et redéfinitions qui la menacent, a besoin plus que jamais de s’appuyer sur une réappropriation critique collective de ses fondements. Celle-ci sera d’autant plus aisée qu’elle se mènera parallèlement à des pratiques cohérentes à l’initiative des conseils centraux de l’université.
Dans un contexte où nationalement se généralise l’application de la LRU, nous prenons l’initiative de proposer par ce texte une invitation à définir ensemble le projet de Paris 8 au vu des échéances multiples qui s’annoncent, et à en débattre
Contact et signatures : p8enmouvements@orange.fr
signatures
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