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L. Fournier-Finocchiaro

lundi 5 janvier 2009

Mileschi contre la destruction de l'éducation

Chères et chers collègues,

Que ceux que ces messages irritent veuillent bien me pardonner. Ils sont les symptômes de ma très grande inquiétude, que chaque étape de la « restructuration » de l’université, pressentie depuis des années et entreprise depuis 2007, confirme.

Mon inquiétude n’est pas égoïste. Je ne défends pas ma peau (je suis largement, selon les critères hautement douteux qu’on veut bientôt nous imposer, un « chercheur publiant » ; je suis professeur de 1ère classe ; je suis bénéficiaire de la Prime d’encadrement doctoral et de recherche ; je ne suis certes pas parmi les plus directement menacés dans ma carrière par tout ce qui se trame) ; je ne suis pas non plus animé par le seul souci de « ma » discipline (la préparation au CAPES d’italien n’existe pas à Nanterre, ce n’est donc pas pour la sauver que je m’agite).

Mon inquiétude et ma détermination à « faire quelque chose » tiennent à ma conception du service public, de l’enseignement, de la recherche, de l’université. Je ne peux accepter en silence qu’on prétende recruter les enseignants de demain, ceux qui formeront les citoyens de demain, selon des procédures qui ostensiblement déprécient le savoir (abaissement drastique de la place des disciplines dans l’évaluation des candidats, au profit d’une évaluation de « l’aptitude à enseigner » hors toute pratique de l’enseignement ou d’une connaissance du système administratif qui trahit le projet de transformer les enseignants en bureaucrates dociles), qui mentent en prétendant augmenter la durée de la formation (à l’issue de son année de stage, l’enseignant titulaire détenteur d’un CAPES est déjà à bac + 5 !), qui ajoutent une année non rémunérée à la formation, aggravant les effets de l'injustice sociale. Je ne peux accepter en silence la démolition du statut des enseignants-chercheurs qui créera au sein de notre communauté des disparités délétères de traitement, une personnalisation des carrières qui laissera (encore plus) le champ libre à l’arbitraire, au copinage, à l’injustice, et qui détruira les solidarités nécessaires au fonctionnement en équipes (pédagogiques ou de recherche). Je ne peux accepter en silence la précarisation de celles et ceux qui travaillent pour le service public, précarisation qui frappe depuis des années les personnels administratifs (30% de contrats précaires en moyenne dans les universités). Je ne peux accepter en silence la menace que font peser toutes ces "évolutions" sur la qualité de la recherche et de l'enseignement. Je ne peux accepter en silence que l’État se désengage financièrement de l’école, supprime des postes par milliers (900 suppressions annoncées pour 2009 dans l’université), renonce de fait à l’idée d’une école républicaine et laïque. Je ne peux accepter que, demain, l’éducation devienne un « marché » comme les autres, un espace de plus pour l’intérêt et le profit privés. Je ne peux accepter que l’école abdique ainsi son idéal fondateur.

C’est tout cela qui est en jeu dans les mutations qu’on voudrait, au nom du « réalisme », de la « modernisation », de l’« adaptation », imposer. Sommes-nous vraiment dupes de cette rhétorique ? Sommes-nous vraiment prêts à postuler la bonne foi des décideurs ? Sommes-nous à ce point naïfs que nous puissions vraiment croire qu’ils agissent dans l’intérêt collectif ? Pouvons-nous sans ridicule croire que l’université est comptable du chômage, que c’est à l’université qu’il appartient de le résorber ? Avons-nous donc renoncé à l’idée d’un enseignement dont la gratuité (dans tous les sens du terme) est la meilleure garantie d’un progrès général des consciences et des modalités de la vie ensemble ? N’avons-nous pas assez clairement constaté que, depuis des années, partout en Europe, la tendance lourde est à un recul délibéré sur tous les fronts de la justice sociale, des droits acquis, de la solidarité ?

Tout bien pesé, mon inquiétude et ma détermination à agir sont bel et bien égoïstes : égoïstement, je ne veux pas, dans dix ans, dans vingt ans, me retourner sur le passé, et me reprocher, trop tard, de m’être tu, d’avoir par ma passivité apporté mon concours à la démolition de décennies d’acquis sociaux, éducatifs et culturels. Je ne veux pas figurer parmi celles et ceux qui auront prêté serment de fidélité, consciemment ou par inadvertance, à la doctrine marchande, consommant ainsi la trahison du projet d’une université méritant pleinement son nom.

Si vous partagez, chères et chers collègues, au moins un peu ces inquiétudes, participez aux assemblées générales qui se réuniront à la rentrée.

D'ici là, joyeux Noël, joyeuses fêtes de Nouvel An.

Christophe Mileschi (Professeur des Universités, Paris X


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Citations de nos dirigeants qui pensent :

La première des choses à faire est de casser le ministère de l'Education Nationale.
Raymond BARRE – février 1993

Je ne serai pas le complice du développement de l'enseignement public.
Jean-Pierre RAFFARIN – juin 1994

Je suis pour une privatisation totale de l'Education Nationale.
Emmanuelle MIGNON – directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy – septembre 2004 (source : Le Monde 2 )

La plupart des mesures que je prends servent surtout d'habillage aux suppressions de postes.
Xavier DARCOS – octobre 2008 (source : Le Canard enchainé)

J'ai grand respect pour la démocratie, j'ai grand respect pour le droit de manifester, mais quand j'entends les slogans des manifestations de ces derniers jours d'une petite partie de la Fonction Publique d'Etat, je me demande s'ils se rendent compte de la gravité de la crise. Que des gens viennent de bonne foi nous demander en réponse à la crise d'embaucher davantage de fonctionnaires et davantage d'emplois publics, je me demande s'ils ont bien compris dans quel monde nous vivons (applaudissements).
Nicolas Sarkozy – Discours sur le soutien de l'économie – 23 octobre 2008

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